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Comment devient-on chef d'orchestre ?

Sylvain Audinovski • mars 07, 2023

Comment devient-on chef d'orchestre ?

Pour devenir chef d’orchestre, il n’existe aucun parcours-type, pas de diplôme imposé, pas de certification, pas de geste obligatoire. C'est le drame et la chance de ce métier ! On peut tous essayer de diriger un orchestre. Il suffit de payer les émoluments des musiciens et la salle. Quant à durer dans le métier, c’est autre chose...

Parmi les concerts auxquels vous assisterez, vous verrez de grands chefs (hommes et femmes) qui élèvent le collectif à un niveau supérieur, et le public s'exalte !

D’autres sont médiocres et n’ont pas l’exigence requise. Ils ne « conduisent » pas vraiment, ils font semblant. Ils ont peur d’être dépassés, de déranger et finalement de n’être plus ré-invités. L’orchestre ronronne alors à 30% de son potentiel. Et le public s'ennuie. Sans parler des mauvais chefs ou des manipulateurs.

Si, en lisant ces lignes, vous vous remémorez une expérience avec un dirigeant qui vous a amené dans le fossé, cela vous permet de confirmer l'adage affirmant que diriger les Humains dans une organisation ou une symphonie revient au même : il s’agit de savoir les conduire...

Et conduire s’apprend.

Conduire est reconnu par tous comme un acte dangereux. Conduire un véhicule suppose une habileté technique, un code et une responsabilité. La conduite est d’ailleurs encadrée par la formation, la certification, le contrôle et la loi.

Or, un être humain vaut plus qu’une voiture, n’est-ce pas ?

Par conséquent, conduire des êtres humains devrait être une matière étudiée, enseignée et certifiée. Un permis de conduire les orchestres éviterait bien des couacs...

En Angleterre, chef d’orchestre se dit « conductor ». Mais on n'en sait pas plus...
En Allemagne, le jeune chef commence souvent comme pianiste d’opéra, puis devient chef de chant avant de remplacer un jour au pied levé un chef malade et tenter sa chance dans la fosse.
Ailleurs dans le monde, on apprend par des master-classes, des stages de quelques jours avec des mentors (qui ont peu de temps). On peut créer son orchestre, chercher des cours dans certains conservatoires (rarement au niveau). Il existe des concours pour se différencier, mais il faut déjà avoir un haut niveau d’expérience.

L'art de diriger un orchestre est difficile car il touche deux domaines infinis l’un et l’autre : l’humain et la musique.

Ce sont deux champs invisibles qui confèrent parfois à l’inexplicable, on pourrait presque dire à la sorcellerie en pensant à l’exemple de Mickey Mouse dans Fantasia.

Devenir Apprenti Sorcier, assistant d’un grand chef, semble donc l’idéal. Imaginez ! Vous apprenez le tour de main d'un maître aguerri.

Et puis, un jour, plus tard, vous vous lancez et menez votre propre vie, vos propres choix.

Riccardo MUTI (chef d’orchestre italien) a poursuivi cette philosophie d’apprenti toute sa vie. Il disait :
« C’est seulement à la fin de ma vie, après avoir franchi la rivière, que je sais maintenant comment la traverser. Mais malheureusement, je suis à la fin de mon histoire et je n’aurai plus l’occasion d’exercer autant. »

La formation au métier de chef est donc nécessaire. Mais elle est insuffisante car elle n'a jamais été ni objectivée ni rendue obligatoire. De plus, ce qui complique encore les choses, elle est insuffisante par nature.

Prenons un exemple : la France et le rôle de Président de la République.
Logiquement, on n'est pas président avant d’avoir été élu. Vous pouvez étudier avant, vous pouvez vous préparer et même imaginer ce que vous feriez si vous étiez président, mais c’est seulement une fois l’élection remportée que commence votre réelle expérience de ce que représente la direction du pays. C’est seulement par la pratique que vous progressez, et de vos erreurs que vous apprenez.

Le chef qui débute est toujours incomplet.
Il est dans la dualité de sa conscience : exercer le pouvoir et accepter d’ignorer. Les deux à la fois !
Monter sur le podium, sans savoir finalement ce qu’est l’acte de diriger. Il faut bien admettre ces inconsciences-là pour se lancer !
La contradiction est dans le fait que l'orchestre sait que vous ne savez pas, et pour autant il faut rassurer le groupe avec des certitudes..

Une inconscience pire consiste à rester dans l'ignorance.

L’orchestre est le seul instrument de musique que l’on ne peut pas avoir chez soi sous la main. Les humains ne sont pas des objets que l’on range dans les tiroirs de son bureau. Par conséquent, le chef s’entraîne dans la solitude... Le chef est un athlète qui court dans sa tête, sur un terrain qu’il peut imaginer, mais ne peut pas fouler.

Pour les décisions qu’il va devoir prendre, le chef essaie de s’imaginer « avant », ce qu’il va se passer « après ». Ce processus de visualisation prend des mois. Des mois pour déchiffrer chaque note de musique, chaque indice laissé par le compositeur. Des mois pour décider quoi faire des informations récoltées et aboutir à une décision personnelle et subjective : l’interprétation.

Puis arrive la seconde étape : la première répétition, ou la confrontation avec la réalité.

Le trac avant une répétition est immense. La vision du chef et son interprétation sauront-elles convaincre l’orchestre et le public ? La situation sera-t-elle comme il l’avait imaginé ? Quelles seront les propres visions des musiciens ? Comment les intégrera-t-il ? Où seront les difficultés et les points de tension ? La magie parviendra-t-elle jusqu’aux spectateurs ?

Pour les chefs d’orchestre, il n’existe aucun serment d’Hippocrate. Un chirurgien qui opère est en prise avec la matière concrète du corps humain, la médecine, l’enjeu de la vie.

Le chef d’orchestre lui aussi opère, baguette en main. Et, de ce geste aussi précis qu’un bistouri dépend en grande partie la vie du concert, la santé de la musique, et l’épanouissement de l’orchestre.

Tel un chirurgien, le chef découpe le temps et cisèle la musique, en espérant redonner vie à ce qui n’est qu’un bout de papier, la partition.

Du point de vue artistique, il n’y a pas d’absolu. Il n’existe pas d’école d’écrivain, ou de metteur en scène. Il en est de même pour la direction d’orchestre. Ce métier reste mystérieux, même pour nous.

La direction est une navigation « à l’aveugle », qui exige de se sortir des vents contraires de l’égoïsme, de l’illusion et de la peur, pour embarquer tout un équipage. Cela demande expérience et vision.

Voilà pourquoi les maîtres sont souvent âgés. Les observer, les questionner et les copier est la base d’un long et humble travail, incomplet mais nécessaire. Ce sont l’expérience, les rencontres, les succès et les échecs qui enseignent les règles à suivre. On apprend tous les jours à apprendre. Le véritable apprentissage, c’est la vie !


Sylvain AUDINOVSKI

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